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Bonjour

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Orphelin de mère, Jean-Jacques Rousseau fut mis en pension à l’âge de huit ans, avec son cousin, chez le pasteur Lambercier et sa sœur. Il vécut heureux et entouré d’affection dans un village proche de Genève jusqu’à cet épisode…

J’étudiais un jour seul ma leçon dans la chambre contiguë [1] à la cuisine. La servante avait mis sécher à la plaque [2] les peignes de Mlle Lambercier. Quand elle revint les prendre, il s’en trouva un dont tout un côté de dents était brisé. A qui s’en prendre de ce dégât ? personne autre que moi n’était entré dans la chambre. On m’interroge : je nie d’avoir touché le peigne. M. et Mlle Lambercier se réunissent, m’exhortent, me pressent, me menacent : je persiste avec opiniâtreté [3] ; mais la conviction [4] était trop forte, elle l’emporta sur toutes mes protestations, quoique ce fût la première fois qu’on m’eût trouvé tant d’audace à mentir. La chose fut prise au sérieux ; elle méritait de l’être. La méchanceté, le mensonge, l’obstination parurent également dignes de punition ; mais pour le coup ce ne fut pas par Mlle Lambercier qu’elle me fut infligée. On écrivit à mon oncle Bernard ; il vint. Mon pauvre cousin était chargé d’un autre délit, non moins grave : nous fûmes enveloppés dans la même exécution. Elle fut terrible. […]
On ne put m’arracher l’aveu qu’on exigeait. Repris à plusieurs fois et mis dans l’état le plus affreux, je fus inébranlable. J’aurais souffert la mort, et j’y étais résolu. Il fallut que la force même cédât au diabolique entêtement d’un enfant, car on n’appela pas autrement ma constance. Enfin je sortis de cette cruelle épreuve en pièces, mais triomphant.
Il y a maintenant près de cinquante ans de cette aventure, et je n’ai pas peur d’être aujourd’hui puni derechef [5] pour le même fait ; eh bien, je déclare à la face du Ciel que j’en étais innocent, que je n’avais ni cassé ni touché le peigne, que je n’avais pas approché de la plaque, et que je n’y avais même pas songé. Qu’on ne me demande pas comment ce dégât se fit : je l’ignore et ne puis le comprendre ; ce que je sais très certainement, c’est que j’en étais innocent.
Qu’on se figure un caractère timide et docile dans la vie ordinaire, mais ardent, fier, indomptable dans les passions, un enfant toujours gouverné par la voix de la raison, toujours traité avec douceur, équité [6], complaisance [7], qui n’avait pas même l’idée de l’injustice, et qui, pour la première fois, en éprouve une si terrible de la part précisément de gens qu’il chérit et qu’il respecte le plus : quel renversement d’idées ! quel désordre de sentiments ! quel bouleversement dans son cœur, dans sa cervelle, dans tout son petit être intelligent et moral !
Jean-Jacques ROUSSEAU, Les Confessions, extrait du livre I, 1782.
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1. contiguë : attenante, voisine. 2. plaque : niche pratiquée dans les murs de la cheminée. 3. opiniâtreté : fermeté. 4. conviction : certitude de la culpabilité de l’enfant. 5. derechef : une seconde fois, à nouveau. 6. équité : justice. 7. complaisance : gentillesse.

Comprendre.
Quel titre donneriez-vous à ce texte ?
De quoi le narrateur enfant est-il accusé ?
Comment la parole des enfants est-elle généralement reçue par les adultes ? Développez votre réponse dans un paragraphe argumentatif organisé.

Analyser.
A quelle personne le récit est-il mené ?
« J’étudiais un jour seul » (l. 1)
« je n’ai pas peur d’être aujourd’hui puni » (l. 15). Quel pronom j’ ou je renvoie au narrateur enfant ? Lequel renvoie au narrateur adulte ?
Identifiez les temps des verbes. Que remarquez-vous ?
Analyser (suite).
Quelle image le narrateur donne-t-il des adultes face à l’enfant ? Relevez le champ lexical renvoyant aux adultes. (l. 3 à 14)
Comment l’enfant se défend-il ? Et pourquoi ?
Relevez le champ lexical renvoyant à l’enfant.
(l. 3 à 14)
Le narrateur adulte a-t-il changé sa version des faits ? Selon vous, pourquoi ? Relevez la déclaration solennelle qu’il fait à ce propos.
Quel bouleversement intérieur Rousseau a-t-il ressenti de cet évènement ?
Dans ce texte, Rousseau fait-il vraiment une « confession » ?


Merci


Répondre :

Bonsoir,

1) A cet extrait, je donnerais le titre "La souffrance"

2) Le narrateur enfant est accusé d'avoir brisé les peignes des Lambercier.

3) La parole des enfants reçus par les adultes demandent de la pitié, de la souffrance car il dit que ce n'est pas lui, mais personne veut en y croire.

4) C'est à la première personne.

5) J' renvoie au narrateur enfant et Je renvoie au narrateur adulte.

6) C'est à l'imparfait et au futur. Je remarque qu'il utilise beaucoup ce temps.

7) Il exprime sa vengeance aux adultes, c'est le champ lexical de la vengeance.

8) Il se défend avec de l'injustice car personne veut le croire. C'est le champ lexical de l'injustice.

9) Le narrateur a changé ses faits car il exprime de la mensonge envers l'enfant.

10) Il a ressentit de la tristesse et de l'injustice.

11) Dans ce texte, Rousseau fait une confession.

Voilà, j'ai enfin fini!