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Bonsoir,
Le 12 juin 1889 à Paris,
Mesdames et Messieurs,
Je suis Anna DELAROCHE, mon métier est repoussoir.
Je voulais dans cette lettre que j'adresse au Grand quotidien « Libération » vous exprimer mon indignation envers la société de nos temps.
Je me suis installée à Paris, pour trouver un travail. Je me mis à chercher un emploi mais la tâche fut plus compliquée qu'elle ne paraissait car tous les employeurs refusaient de m'accorder une chance. Cela dit je les comprend car je suis moche, laide, ignoble, atroce et répugnante. Trois mois plus tard, quand mes fonds furent épuisés et ma quête d'emploi un échec, je vis par hasard une annonce d'emploi accrochée au mur de mon immeuble, cette annonce disait « Recherche Femmes ayant peu d’atouts et s'estimant laide .»
Je n'ai jamais eu d'amant, aucun homme ne m'adressait la parole, je ne sortais de chez moi que pour chercher un emploi et faire mes courses. Quand j'ai vu cette annonce, je me suis dit que c’était ma chance, que le regard d'infamie que m'adressaient continuellement les personnes dans la rue pourrait me rapporter peut-être de l'argent.
Je me présentai et fus à ma grande surprise, recrutée. On m'expliquait alors le fonctionnement de l'entreprise et les règles de base.
Nous ne devions dormir que cinq heures par nuit pour alourdir notre expression, nous avions un tour de taille à ne pas dépasser, certaines d'entre nous devaient être grosses et d'autres maigres, les recruteurs se chargeaient de nous répéter que nous n'étions plus des femmes et que nous n'avions aucune forme de dignité à avoir. Notre objectif était de rendre plus belle la cliente, de me rendre la plus horrible possible que cela soit dans ma démarche, dans mon expression, dans ma posture, salir mes dents et mes ongles, m'afficher des cernes, porter des vêtements horribles et des sandales d'hommes et bien d'autres moyens pour faire de moi une tâche. Tous les moyens de rendre la cliente plus belle tout en nous déshumanisant. Les clientes ne nous respectaient pas, elle nous méprisaient, nous devions porter leurs bagages, accepter leurs critiques, insultes sans rechigner, au contraire car nous devions même nous forcer à réaliser le sourire le plus répugnant possible et nous tenir proche d'elles..
Nous avons dans la journée un quota de cinq femmes à accompagner dans différents magasins, dans les rues les plus fréquentées, dans les salons de thé et autres. Nous n'étions plus que de la laideur à vendre.
Un an après, je commençais à comprendre cette société qui m'indignait au plus haut point.
Cette société dans laquelle la laideur était marchandise, dans laquelle j'étais forcée de devenir un pion pour m'en sortir. Dans ce système, les personnes qui étaient gâtées par la nature, par leur famille, dirigeaient les autres, les pions se méprisaient entre eux, se jugeaient et faisaient tout pour devenir une pièce importante dans l'échiquier. Toute cette hypocrisie, toutes ces façons d'être me scandalisaient. Je n'ai rien fait pour devenir cela mais je ne pouvais non plus rien faire pour ne pas le devenir alors pourquoi me jugeait-t-on aussi mal ? Pourquoi me méprisait-on ? Pourquoi ne m'estimait-on pas comme une femme normale ? Tant de questions sans réponse. ..
Cordialement
Anne le repoussoir
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