29 février (année),
Au front
Madame,
Je n'irai pas par quatre chemin parce que je sais ce que l'on ressent lorsqu'on s'inquiète pour un proche. Alors, simplement, je vous le dirai : votre mari bien aimé s'est envolé pour un autre monde. Il est mort au combat, et j'ai à vous annoncer dans le même temps que c'est de ma main.
Lorsqu'on est en guerre, on ne se pose pas la question de savoir qui est en face de nous, sur qui on va tirer et pourquoi. On obéit aux ordres, c'est tout.
Je ne saurai vous dire à quel moment je me suis rendu compte de l'horreur des actes que j'ai commis lors des batailles, mais je peux vous dire que le visage de chacune des personnes sur lesquelles j'ai du tirer me hante à présent. Ils sont tous là, avec moi, en tout instant et encore plus la nuit.
Je sais que cette lettre va vous briser le coeur, et je devine que vous ne pourrez pas me pardonner, et pourtant je l'écris. Pas pour demander pardon, car je n'ai fait que tirer sur un ennemi qui m'aurait tué si je ne l'avais pas fait, mais pour vous expliquer que votre mari était un héros.
Je lui ai promis, alors qu'il était mourant, de vous écrire, c'était son dernier souhait.
Il a sauvé un soldat au péril de sa vie. Ce soldat était blessé, avait peu de chances de survivre, et il l'a soulevé sur ses épaules et l'a transporté, en plein milieu du champ de bataille. il s'est fait tirer dessus, par moi, comme je vous l'ai écrit. Lorsque je me suis rendu compte de ce qu'il tentait de faire, je me suis précipité vers lui, et j'ai fait transporter le soldat blessé vers un hôpital. Mais cela ne changera jamais rien au fait, que votre mari ne reviendra pas.
Sachez seulement que vous étiez sa dernière pensée, et que vous êtes à présent veuve d'un héros.
Je ne peux prétendre au même titre, je n'ai été qu'un meurtrier dans cette affaire, mais je vous prie de l'honorer dignement, et de me haïr si cela vous console.
Je ne peux mettre de simple formule de politesse en fin, alors je vous souhaite simplement une longue et belle vie,
Un soldat.
